Révolte ou bien révolution ?

Dimanche 6 mars 2011, par Daniel // Les évènements

Cette édition 2011 du Salon du Brasseur de St Nicolas de Port a été l’occasion pour les visiteurs d’assister a une curieuse manifestation. D’emblée, après avoir pénétré dans salle d’exposition, on a pu remarquer quantités de prospectus de couleur orange vif posés sur les tables et affichés un peu partout sur les stands et les murs.

A la lecture du document, on apprend qu’il s’agit en fait d’un « Manifeste » rédigé et signé par un étrange « Front Hexagonal de Libièration » !
De quoi s’agit-il ?
C’est une liste de réflexions et de constats décrivant le paysage actuel de la micro-brasserie en France. Les rédacteurs déplorent notamment la pauvreté des gammes de bières proposées par les artisans, la culture du secret et du « chacun pour soi » régnant dans ce milieu, et surtout une espèce de réticence générale à houblonner convenablement leurs bières… Ce troisième point leur tenant visiblement très à cœur, on peut alors se demander :
Mais qui sont ces gens ?

Pour le savoir, il suffisait de lever les yeux et regarder autour de soi pour se rendre compte que nombre de brasseurs ( et brasseuses) bien connu(e)s étaient vêtus d’un sweet-shirt aux mêmes couleurs que le Manifeste précité et marqué d’un grand « Front Hexagonal de Libièration » !

Malgré la dénomination volontairement provocatrice de ce groupe, on est vite rassuré sur leur intentions, et l’humour avec lequel ils cultivent le soi-disant « secret » de leurs identités prouve qu’elles ne sont pas belliqueuses. Leur omniprésence dans les allées du salon montre tout de même que les sujets évoqués lors de cette opération de communication leur tiennent particulièrement à cœur, et qu’ils ont la ferme intention de faire bouger les choses. Qu’on se le dise !

Mais alors, que penser de tout cela ?

Eh bien oui, il faut bien l’admettre, malgré les multiples nouvelles installations de brasseries artisanales ces dernières années, l’amateur et consommateur se retrouve souvent en face d’une triste réalité : Des produits sans originalité ,fabriqués sans grande imagination et voulant faire croire que la dénomination « Bière Artisanale » figurant sur le flacon est forcément synonyme de qualité.
Les raisons de cet état de fait sont certainement multiples, et il y a des choses à faire dans ce domaine. On peut se poser des questions, et s’inspirer de l’expérience de certaines micro-brasseries à l’étranger ne serait pas une mauvaise idée…

Dans leur Manifeste, nos joyeux « Frontistes » mettent l’accent sur une utilisation trop modérée du houblon, mais à mon avis les problèmes sont bien plus graves que cela et il ne faudrait pas oublier de travailler sur d’autres thèmes :
La formation au métier de brasseur par exemple. Il paraît tout de même incroyable de pouvoir s’établir en ouvrant une brasserie sans avoir aucun diplôme ou formation ! Il y aurait là un réel travail faire, qui freinerait certainement des ambitions, mais qui au final serait bénéfique à la profession.
Sortir du fameux carcan des « Blonde / Blanche / Ambrée » comme c’est très justement cité dans le Manifeste. Là il s’agit clairement (à mon sens) de ne plus se contenter de fabriquer un moût quelconque que l’on ensemencerait avec une levure passe-partout, mais de réaliser des bières bien typées qui ont un vrai caractère. Sujet très délicat que voilà, parce-qu’il implique l’utilisation d’un ingrédient trop souvent sous estimé : Une souche de levures spécifique. Problème récurent, ces souches typées n’étant disponibles que sous forme liquide ou « fraîches », elles sont plus complexes à utiliser, demandent un vrai travail et une rigueur irréprochable. C’est bien là que le bât blesse à mon avis, et l’utilisation presque systématique de levures sèches contribue grandement à la pauvreté de caractère général des bières artisanales.

D’autres pistes pourraient être évoquées, et le travail ne manque pas. L’initiative des ces révoltés en orange est louable, et a d’ores et déjà le mérite de vouloir faire bouger les choses. Par ailleurs, il est aussi très intéressant de constater qu’il y a une réelle prise de conscience sur le sujet de la micro-brasserie en France, et que certains ont bien compris qu’à terme il serait dommageable pour tout le secteur de laisser en l’état les choses telles qu’elles le sont aujourd’hui.

Affaire à suivre donc, chose que nous ferons avec le plus grand intérêt.

Pour accéder au site des libièrateurs :
http://www.libieration.org/